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Il aurait été préférable de tout arrêter…

Après l’annulation du Bol d’Or, remplacé fin septembre par les 12 Heures d’Estoril le 27 septembre, et des 24 Heures du Mans, les 29 et 30 août, qui se dérouleront à huis clos, le championnat du monde d’Endurance FIM-EWC navigue à vue… perdant toute crédibilité, ou presque. Entretien avec  Michel Augizeau, le patron du team Tecmas à Bourges. 

 

 

Michel, quelle crédibilité accorder au championnat du monde d’endurance 2020 après les annulations des 8 Heures d’Oschersleben, des 8 Heures de Suzuka et enfin du Bol d’Or, quatre semaines seulement avant la date fixée par les organisateurs ? 

 

Une crédibilité très relative. Le titre mondial 2020, tant pour le team qui sera sacré que pour les pilotes, sera sans valeur ou presque. A ce jour, seuls les 8 heures de Malaisie sur le circuit de Sepang ont été disputées. Et encore, en raison de conditions météo dantesques, la course n’a duré que trois heures. Il y a les 24 Heures du Mans à venir et peut-être les 12 Heures d’Estoril au Portugal… Si elles ont lieu. C’est quand même un peu léger….

 

 

La pandémie de Covid-19 est bien évidemment à l’origine de ces annulations. Et comme il est dit que rien ne sera épargné à ce mondial FIM-EWC, les 24 Heures du Mans début août vont se dérouler à huis clos…

 

Oui et c’est bien regrettable. Les courses d’endurance, surtout celles de 24 Heures, sont l’occasion de grands rassemblements populaires où des dizaines de milliers de personnes viennent vivre et partager leur passion pendant plusieurs jours. Avec le huis clos, ce n’est plus vraiment la même chose même si pour les teams et les pilotes le challenge reste le même, à savoir performer… en cercle fermé. Certes, il reste la télévision puisque les 24 Heures du Mans seront télévisés en intégralité mais les motards préféreront toujours le live sur le bord de la piste et l’ambiance qui va avec. Concernant Tecmas, dès l’annonce du huis clos au Mans, on a préféré renoncer. Comme beaucoup d’autres teams, sans public, sans la possibilité d’inviter nos partenaires, il n’y a pas de financement possible. On a alors reporté nos espoirs et nos efforts sur le Bol d‘Or… Jusqu’à ce qu’on apprenne, la semaine dernière que la Préfecture du Var décrétait aussi le huis clos pour le Bol d’Or pour raisons sanitaires. Dans la foulée, les Editions Larivière ont alors décidé d’annuler purement et simplement leur épreuve. 

 

 

Comprenez-vous leur décision ?

 

Complètement ! Dans le cas des « Editions Larivière », il s’agit d’une structure professionnelle qui fait dans l’événementiel. Sans retour au niveau du financement, il lui est impossible d’organiser une manifestation  de cette envergure. Les Editions Larivière n’ont pas la même sécurité financière que l’organisateur du championnat FIM-EWC, Eurosport Events qui, pour alimenter ses chaînes de télévision, fait le maximum pour que les courses aient lieu…

 

Pour compenser, et au grand dam de la plupart des teams, professionnels ou non, engagés en FM-EWC, les organisateurs ont choisi le circuit d’Estoril pour clôturer le championnat du monde le 27 septembre sans même avoir consulté les membres de l’ERTA (Endurance Racing Team Association). Qu’en pensez –vous ?

 

Je suis complètement d’accord avec Mandy Kainz, le patron de l’équipe YART, qui a dit son mécontentement, au nom des membres de l’ERTA, quant au choix du circuit d’Estoril.  Il semblerait en effet que cette décision ait été prise sans la moindre concertation, ni auprès des teams, et c’est le cas pour Tecmas, ni auprès des fabricants de pneumatiques. Si Eurosport Events veut vraiment ajouter une épreuve au calendrier, pourquoi ne pas aller en Slovaquie, sur le Slovakia Ring ou le Mondial a fait étape ces trois dernières années, comme le propose Mandy Kainz ? Les teams et les pilotes connaissent le circuit où chacun a ses repères, ce qui n’est pas le cas à Estoril.  Comme l’a souligné le patron du l’écurie autrichienne, le Bol d’Or nécessite une boîte de vitesse spéciale en raison de la très longue ligne droite du Mistral et des exigences spécifiques sont imposées aux pneus. Jusqu’ici, les teams et les manufacturiers ont travaillé en vue du Bol d’Or. Tout remettre en cause pour aller en Slovaquie, passe encore. Mais courir à Estoril où personne n’a effectué le moindre test depuis longtemps, une semaine seulement après la date initiale du Bol d’Or, c’est complètement inadapté.  Le voyage prend à lui seul une semaine et les coûts sont plus importants. Ce sera difficile à supporter pour bon nombre de teams privés qui forment la colonne vertébrale du mondial d‘Endurance. Il faudra également montrer un test Covid négatif pour être admis dans le paddock le mardi. Et comme le test doit être fait 48 heures avant, comment faire avec le week-end ? Il faudra aussi, pour se rendre au sud du Portugal, traverser l’Espagne. D’ici la fin septembre, pourra-t-on toujours circuler librement ? Passer d’une frontière à l’autre sans risquer d’être mis en quatorzaine ?   

 

N’aurait-il pas été préférable d’annuler tout simplement le championnat du monde et le reporter en 2021 comme cela a été fait pour les JO de Tokyo ou l’Euro de foot ? Cela aurait permis à bien des teams et à leurs partenaires de ne pas investir d’argent finalement à perte…

 

Oui, décider de tout arrêter dès le début de la pandémie aurait été plus positif. Chacun aurait pu se concentrer sereinement sur le championnat 2021 alors que là, on a bossé et dépensé de l’argent pour rien ou presque. Je peux comprendre la position des organisateurs du championnat mais face à une crise sanitaire touchant toute la planète, avec des frontières susceptibles de fermer du jour au lendemain, les risques d’annulation des 12 Heures d’Estoril sont réels… Il risque d’y avoir des discussions animées cette semaine au Mans. Et pas seulement sur l’exigence du port du masque pendant 24 heures… Passe encore en Superbike ou en Moto GP où les courses ne durent même pas une heure. Mais là, 24 heures… »  

Propos recueillis par Christian Ragot
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