Michel Augizeau : « J’aime trop l’Endurance… »
Le retour tant attendu en Endurance s’est soldé par un échec pour l’écurie berruyère Tecmas-BMW, contrainte à l’abandon après trois heures de course lors de la 82e édition du Bol d’Or. Michel Augizeau, team-manageur, fait le point sur l’année 2021 tout en pensant déjà à l’avenir.
Michel Augizeau, quel est votre premier sentiment après ce résultat pour le grand retour de Tecmas en Endurance ?
De la déception ! Quand on ne gagne pas ou qu’on ne termine pas une course, c’est toujours une grosse déception. J’en ai connu d‘autres dans ma carrière… Après, il faut surtout chercher les causes de cet abandon pour éviter que cela se reproduise.
De la frustration aussi ?
Forcément. Quand on sait la masse de travail que représente une participation au Bol d’Or, le nombre de personnes que cela mobilise (une quarantaine, NDLR), quelle a été l’implication de tous pour un résultat zéro, il y a de quoi être frustré. C’est d’autant plus décevant qu’après avoir été absent de la scène mondiale pendant un an et demi pour raisons sanitaires, nous nous faisions une joie de renouer avec l’Endurance. Notre dernière course, c’était lors des 12 Heures de Malaisie, en novembre 2019, où nous étions à la lutte avec les meilleures écuries. On pourra toujours dire que depuis, on a largement eu le temps de se préparer avec la nouvelle S1000 RR réceptionnée en février 2020, sauf qu’on n’a pas pu faire les courses. La France vivait alors au ralenti et comme beaucoup d’autres entreprises faisant dans l’événementiel, on a eu presque un an et demi de passage à vide. En raison des huis clos, il était impossible, sur un plan économique, pour une écurie privée comme Tecmas, de participer aux 24 Heures du Mans, tant en 2020 que cette année. Et l’année dernière, en raison de la pandémie, le Bol d’Or avait été purement et simplement annulé. Tout le monde était pourtant hypermotivé, content de revenir ici avec du public… Malheureusement, cela s’est mal terminé puisque j’ai signé la feuille d’abandon après trois heures de course seulement.
« Un manque de temps et de moyens financiers… »
On a parfois eu l’impression que les choses étaient mal engagées avec les blessures de deux des pilotes, David Perret et Maxime Bonnot, et l’impossibilité de participer aux essais Pré-Bol officiels…
Je n’aime pas employer les termes chance et malchance mais c’est vrai qu’on a accumulé des tas de petits pépins qui ne doivent rien à une quelconque forme d’incompétence. Les pilotes blessés, le manque de temps pour préparer la moto, de moyens financiers aussi pour faire davantage d’essais de développement, nous ont forcément handicapés. Tout autant que notre absence aux essais Pré-Bol. Nous étions ce jour-là accaparés par la dernière manche du championnat de France de Superbike qui était notre priorité cette saison et Tecmas n’a pas une structure suffisante pour faire face en même temps au programme FSBK et à l’Endurance. Par ailleurs, ce n’est qu’au mois de juin qu’on a eu la certitude que le Bol d’Or aurait bien lieu avec un accueil du public. On s’est alors lancé à fond dans ce retour en Endurance mais contrairement à la plupart des autres teams qui ne sont engagés qu’en EWC (endurance world championship), nous avions aussi un championnat de France de Superbike à assurer. Du coup, nous n’avons pu procéder qu’à deux séances de roulage avec la nouvelle moto d’endurance, à Lédenon et à Magny-Cours, sans rencontrer de problèmes particuliers d’ailleurs. Tout cela cumulé a forcément contribué au mauvais résultat ce week-end.
Christian ragot
« Il n’aurait pas été raisonnable de continuer… »
Puis il y a eu la chute de Dylan Buisson, peut-être un peu trop optimiste… A la lecture du classement final, ne regrettez-vous pas de ne pas avoir davantage assuré, ce qui vous aurait peut-être permis de signer un Top 10, avec seulement 20 motos à l’arrivée ?
Avec des si… On peut envisager beaucoup de choses. Je ne veux pas rentrer dans ce jeu-là. La réalité, c’est qu’il y a eu la chute. Et beaucoup de dégâts sur la moto. On aurait perdu beaucoup trop de temps pour la remettre en état et espérer un classement correct. Ensuite, il faut savoir que ce n’est pas Dylan qui a ramené la moto au stand. Il a été directement pris en charge par le service médical du circuit. Il a eu un traumatisme crânien, sans perte de connaissance certes, mais avec des douleurs oculaires, à la tempe aussi, et dans ces conditions, un pilote doit rester sous surveillance pendant 24 heures. Pour moi, et même s’il s’était sauvé de l’infirmerie, il n’était pas question que Dylan puisse repartir. Il n’aurait pas non plus été raisonnable de faire le reste de la course avec deux pilotes seulement. Et comme on n’était pas suffisamment perfo’ pour espérer remonter au classement, j’ai alors décidé de signer, en accord avec les pilotes, la feuille d’abandon.
Comment envisagez-vous la suite ? Allez-vous persévérer dans l’Endurance ou la priorité sera-t-elle à nouveau donnée au Superbike ?
Pour des raisons d’image, de retombées médiatiques, pour montrer notre savoir-faire, Tecmas a besoin de disputer des courses d’un retentissement mondial. Il est encore trop tôt pour savoir ce qu’on fera en 2022. On va faire le point dans les jours prochains, notamment avec BMW. On décidera ensemble quelle est la meilleure stratégie à développer, notamment par rapport à la marque. Et avec quels moyens. Faut-il mettre full sur le Superbike et abandonner l’Endurance ? Tout mettre sur l’Endurance ? Faire les deux à fond mais là, je ne pense pas que ce soit possible, notamment au niveau du budget, surtout dans le contexte actuel. Full sur l’Endurance, ce serait tentant mais BMW a déjà un team officiel…
Cela rappellerait l’époque où Tecmas était officiel BMW avec trois top-pilotes, Kenny Foray, Mathieu Gines et Julien Da Costa…
Bien sûr mais cela semble aujourd’hui impossible. Je pense que l’idéal pour Tecmas serait de jouer à fond le titre en Superbike en tant qu’officiel BMW et avoir les moyens financiers, donc des partenaires privés comme Mersen ou GMC cette année, pour disputer au moins les 24 Heures du Mans et le Bol d‘Or, les deux courses les plus prestigieuses en Mondial d’Endurance. J’aime trop l’Endurance…
Si vous deviez dresser le bilan sportif de cette année 2021, quel serait-il ?
En Superbike, on a bien fini avec quatre victoires (3 pour Foray, 1 pour Techer) et pas mal de podiums. La nouvelle M1000 que pilote Kenny Foray est ultra performante mais il nous a fallu beaucoup de temps pour la mettre au point ; ça a payé sur les trois derniers meetings mais il était trop tard pour jouer le titre. De son côté, sur la S1000, Alan Techer a fait une chute malheureuse à Pau qui l’a privé de quatre épreuves. C’est beaucoup sur un championnat qui comptabilise quatorze courses. Terminer 5e dans ces conditions, c’est plutôt un bon résultat. Quant à l’Endurance, pff…
Et au plan économique, pour l’entreprise ?
On n’a pas encore fait les comptes. Comme beaucoup d’entreprises, on a eu recours au PGE (prêt garanti par l’Etat) pour poursuivre notre activité mais on va devoir rembourser. Il faut surtout souhaiter que le public puisse revenir en masse sur les courses l’année prochaine pour créer de l’événementiel. C’est indispensable pour les organisateurs comme pour les teams.